Pour l’Image, pour flûte, hautbois, clarinette, saxophone alto, cor, trompette, trombone, 2 percussions, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse (1986/88)
dédiée : « à Luis et Jacqueline Daney » ; Commande l’ensemble musique nouvelle de Bordeaux

Pour l’Image de Philippe Hurel exploite de façon particulièrement convaincante un principe d’ambiguïtés entre perception globale et perception différenciée. Ou , si l’on préfère, les trajets que sa musique organise, oscillent, vont et viennent entre un premier type sonore faisant fusionner l’ensemble des lignes et timbres instrumentaux en une masse unique, et un second, avec lequel ils retrouvent leurs individualités. D’abord, en effet , comme certains points, (plus exactement certaines notes) de la masse en fusion se voient progressivement attribuer un même timbre instrumental (par exemple, celui d’une flûte), l’oreille les regroupe automatiquement en une mélodie cohérente. A la différence toutefois, que contrairement à l’habitude, celle-ci ne se détache pas de l’orchestre , mais paraît bien plutôt le traverser. Aussi, l’effet produit n’est-il pas celui, canonique, d’une mélodie orchestrée, mais tout à l’inverse, celui, assez paradoxal, d’un orchestre mélodique. Philippe Hurel rejoint ainsi, par des voies tout autres, un principe dont Steve Reich, dans ses meilleures pièces, et notamment dans Music for 18 musicians , s’était déjà rapproché. De plus, parce qu’en certains passages, des figures thématiques semblent soudain exploser, plus qu’elles ne sont exposées, l’auditeur, les ayant dès lors en mémoire, est en mesure de remarquer, s’il réécoute l’œuvre, que des sections antérieures en contenaient déjà le motif, enfoui dans la masse globale. Pareille double entente aussi minutieusement calculée mérite bien qu’on s’y arrête.

Guy Lelong - Art Press

Pour l’image marque sans doute dans la production de Philippe Hurel le début de l’affirmation d’un style propre conjuguant l’apport essentiel de la musique spectrale – initiée par Gérard Grisey et Tristan Murail dans les années soixante-dix – à un travail personnel extrêmement poussé sur la variation rythmique. On en retrouvera les infinis développements dans les principales œuvres suivantes : les Six miniatures en trompe-l’œil pour ensemble (1990-91) et Leçon de choses pour ensemble et électronique (1993) ; plus récemment encore, dans Flash-back pour orchestre (1998), les Quatre variations pour percussion et ensemble instrumental (2000) et Figures libres (2000/2001). Très attaché à la notion de « trajet parcouru » mise en œuvre dans le spectralisme, Philippe Hurel cherche à rendre identifiables, au cours de l’œuvre, des éléments déjà entendus. « Durées, hauteurs et timbres, explique le compositeur, peuvent se modifier d’une variation à l’autre sans que la perception globale du processus commun en soit altérée. » Dans Pour l’image, quatre types principaux de transformation sonore s’enchaînent de manière quasi-organique : mélodies microtonales en boucle s’intensifiant peu à peu ; fusion de lignes mélodiques et de timbres individualisés en une nappe sonore étale et dense ; éclatement du spectre harmonique dans une écriture pointilliste ; cristallisation de multiples points en de longues tenues résonnant comme des cloches. Ainsi à l’alternance traditionnelle de parties se substitue ici le passage progressif d’un état de la matière à un autre qui, renouvelé, crée la forme de l’œuvre. Philippe Hurel réalise dans Pour l’image un parcours alternant perception globale et perception différenciée, texture et ligne, polyphonie et hétérophonie, fusion et individualisation des timbres et réinterprète ainsi le principe de tension/détente essentiel à toute perception musicale.

Eurydice Jousse

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